Déjà, je tiens à remercier chaleureusement Caroline et Robin, qui nous ont mis à disposition leurs magnifiques photos <3
Voilà un mois qu’on est rentrés d’Inde, et je sors la plume pour ce voyage seulement maintenant. Et pour l’écrire, je reprends un peu tout ce que j’ai écrit tout au long du voyage, à chaud. L’écrire juste après être rentrés aurait été impossible pour moi. Sans recul, cela aurait été trop difficile : l’Inde a soulevé tellement de choses en moi ! Je ne parle que pour moi, car je serais incapable d’écrire un article qui combine mes ressentis et ceux de PF. Allez, je vais essayer tant bien que mal de vous en raconter un peu plus sur ce pays si mystérieux !
Ma manière d’aborder le voyage
Et si ma passion n’était pas le voyage?
J’ai commencé à vouloir vivre en van après ce voyage de 5 semaines en Australie avec l’une de mes meilleures amies. C’était le premier voyage de toute ma vie, à 21 ans. Je n’avais jamais voulu voyager avant. Pourtant, ce n’était pas les occasions qui m’en manquaient : mon père avait un CE si fou que je pouvais partir pour une bouchée de pain aux quatre coins du monde. Je n’en ai jamais profité. Je n’en n’ai jamais ressenti l’envie. Pourtant, je me souviendrais toujours de cette sensation quand j’ai posé le pied dehors en sortant de l’aéroport à Adélaïde. J’ai regardé le ciel, après mes 35h de voyage, et je me suis dit « wahou, je suis en train de regarder le ciel d’Australie ». C’était excitant, j’avais peur mais j’ai vécu l’un des meilleurs voyages de ma vie. Sont ensuite passé 2 ou 3 ans sans que je ne refasse de voyages aussi longs. Puis des choses m’ont menées à aller régulièrement en Italie et à Londres pendant 2 ou 3 ans. Mais j’allais en terrain conquis, et je ressentais cette excitation si particulière à chaque fois. Je me rendais à l’aéroport en courant, et je repartais du pays avec cette sensation si étrange du « dernier instant », celui où tu photographies chaque image dans ton esprit, celui où tu enregistres chaque odeur car tu sais à quel point tout ça va te manquer.
J’ai peur
Aujourd’hui, à quelques jours du départ en Inde, j’ai peur. Juste peur. Je ressens bien-sûr l’excitation de retrouver les amis, mais je n’ai pas cette hâte de découvrir le pays qui me dévore l’estomac. J’ai peur, et lutter contre cette peur m’épuise. Je suis donc réellement fatiguée. Et je me demande ce que je vais pouvoir trouver la bas, à l’autre bout du monde. Car ces derniers mois, j’ai trouvé beaucoup de choses à l’intérieur de moi, que je n’aurais pas trouvé ailleurs. Alors qu’est ce que je pourrais bien trouver de plus en terre inconnue ?
J’aime être seule. Alors j’ai peur qu’être tous les jours en groupe me fatigue. J’aime peu la chaleur. Alors j’ai peur de ne pas être assez en forme physiquement pour l’affronter. Je ne suis pas une aventurière au niveau de la nourriture. Alors j’ai peur de ne rien manger. J’aime passer parfois une journée sans parler. Alors j’ai peur qu’on ne me comprenne pas. J’ai peur d’être choquée, peur d’être bouleversée, peur de faire valser mon équilibre intérieur retrouvé comme un château de cartes, peur que mes crises d’angoisse nées en Croatie il y a 2 ans refassent surface. Oui, j’ai peur.
Et personne n’a le droit de me dire de ne pas avoir peur. J’ai le droit d’avoir peur. Ma zone de confort est différente, bien plus petite que la plupart de ceux que je connais. Elle s’est rétrécie le jour où j’ai commencé à devenir hypocondriaque suite à un événement bouleversant. Toute ma vie a basculé, j’ai perdu toute confiance en mon corps, en mon esprit et en mes capacités. Et je me suis de nouveau mise à ne plus avoir envie de voyager.
Aujourd’hui, j’ai réussi à vaincre ça. Je me suis réconciliée avec mon corps, mon mental et cette maladie mentale qu’est l’hypocondrie devient de plus en plus gérable. Mais c’est la première fois, dans quelques jours, que je vais tester ma réelle guérison. Que je vais mettre à rude épreuve mon équilibre si fragile encore.
Mais tout ça est magique. C’est magique car l’inconnu m’attend, et je vais le découvrir avec des gens que j’aime très fort. Cet équilibre, je sais maintenant que je peux l’avoir et que je le retrouverai en rentrant, en m’emmitouflant dans mes draps blancs à fleurs au fond de notre lit dans notre maison sur roues. Je sais à quel point je chérirai ce moment une fois rentrée, et je sais à quel point je serais fière et reconnaissante en regardant en arrière. Je sais que ça bouleversera mon équilibre intérieur quelques temps, mais que ça fera tomber le château de cartes du bon côté de la balance. Je sais aussi que c’est possible que je me trompe sur toute la ligne.
Tout ce que j’espère, c’est retrouver cette hargne de voyager, sans mon repère, ma zone de confort qu’est devenu Calimero. J’espère faire redevenir le monde magique à mes yeux, et ne plus le voir comme hostile. J’espère élargir ma zone de confort, et je vais relever le défi du mieux que je peux.
Mes repères vont devenir un sac à dos, mon amoureux et mes amis l’espace de 4 semaines, et j’espère qu’en atterrissant, je regarderai le ciel de l’Inde avec la même émotion qu’à mon tout premier voyage.
Pour le reste, je n’attends rien. Je n’ai pas regardé l’itinéraire prévu, je n’ai lu aucun article de blog, je n’ai regardé aucune photo. Pour moi, ce sera un voyage de l’intérieur, une manière de faire une clé de bras définitive à toutes ces peurs.
Maintenant que j’ai trouvé la paix intérieure chez moi, nouveau travail : trouver la paix intérieure en me sentant chez moi à l’intérieur, et en me sentant partout chez moi.
Je ne pars plus !
Combien de fois j’ai failli annuler ce voyage… Combien de fois j’ai appelé nos amis pour leur dire que je n’en serais jamais capable … Même une fois le premier avion passé et les pieds en Allemagne, j’étais en pleurs, en panique, et j’ai dit à Pf de manière irationnelle que je ne prendrais pas le deuxième avion, que je n’y mettrais pas un pied. Une fois le premier avion posé, j’ai commencé à regarder les trains et les voitures pour pouvoir rentrer en France. J’étais réellement décidée. Mais nous avons appris que notre second vol allait être reculé de 24h ! J’ai donc fait la chose que je ne voulais absolument pas faire … J’ai cherché partout un bon antianxiolitique, je l’ai avalé le lendemain matin sans réfléchir et je suis rentrée dans l’avion tel un zombie. Échec de ne pas avoir réussi à me raisonner, mais succès : je suis dans l’avion, et je pars pour l’Inde ! Impossible de faire demi-tour maintenant.
Ma première impression
Les premiers pas
Nous avons atteri. Je me sens comme une héroïne rentrée de guerre : j’ai réussi à prendre l’avion, je suis en Inde ! Je viens de passer une étape qui me paraissait infranchissable, je tremble de partout, et je n’ai qu’une envie : serrer fort dans mes bras nos amis qui nous attendent. Rien que de l’écrire, les larmes me montent. C’était un moment si fort pour moi ! Je regardais autour de moi, comme si j’étais dans un autre monde. Comme si je redécouvrais la vie. C’est marrant, mais dans le voyage en avion, l’atterrissage m’a toujours fait ressentir ça. C’est une sensation que je n’ai jamais retrouvé avec la vie en van jusque là. Vous savez, cette impression de s’être téléportée dans une autre dimension ? Quand tu poses le pied et que tu regardes autour de toi, tout est nouveau. D’un coup, sans transition. En van, c’est plus progressif.
Les premières heures
Nos amis prennent nos sacs, commencent à nous raconter les premiers jours qu’ils ont vécu, on se parle comme si on ne s’était pas vus depuis 10 ans. Il est 1h du matin, et nous avons 3h de route. 3h de route dans une chaleur étouffante, dans un paysage digne d’un film. Je m’attendais malgré tout à un dépaysement bien pire que ça, car j’avais fait l’erreur d’écouter les Tu verras, tu auras du mal à assimiler tout ce que tu vois et ça risque de chambouler. Je ne l’ai pas ressenti, ce chamboulement. Tout simplement car l’ambiance, au premier abord, me faisait penser à celle de Cuba. Ce dépaysement choquant, je l’avais plutôt ressenti à Cuba. Et toutes les sensations que ce voyage m’avait fait ressentir sont revenues ici, en Inde. C’était donc finalement pour moi plutôt familier, comme type de dépaysement. Ça n’enlevait absolument rien à l’extraordinaire situation que j’étais en train de vivre.
Quelques extraits de mon journal des premiers jours
Ces premières impressions brutes, on dirait que c’est une enfant qui les a écrites. Et c’est un peu la posture dans laquelle j’étais : une enfant, une toile blanche dans un nouveau monde. Une éponge qui s’imprègne de toutes les nouveautés. Et c’est en avançant dans le voyage que je me suis rendue compte que mes premières impressions, l’impression de ne ressentir aucunes sensations, c’est parce que mon cerveau n’arrivait pas à comprendre. Au bout de quelques semaines d’acclimatation, j’ai commencé à ouvrir les yeux sur la véritable Inde.
Il fait une chaleur étouffante et humide ! On a retrouvé Fred et Thomas pour le trajet jusqu'à Pondichéry. C'était incroyable : des vaches et des chiens au bord de la route, la pauvreté qu'on peut déjà voir avec les indiens allongés sur le sol... J'ai du mal à croire ce que je vois, ça ne me procure aucune sensation, comme si en fait je voyais tout ça sur un écran.
Ça y est, on a fini notre journée à Pondichéry ! C'était incroyable, et je m'y suis faite beaucoup plus vite que prévu. Finalement, le dépaysement est un peu le même qu'à Cuba, en plus fort. Il y a plein de nouvelles odeurs, de nouvelles matières, de nouvelles manières de dire "Merci"... Je me sens mieux quant aux maladies, l'eau et la nourriture. Finalement, l'inconnu fait bien plus peur dans l'imagination qu'en vrai. Une fois dans la situation, on s'acclimate en quelques heures.
Ça me rappelle Cuba, et ces petits grand-pères pauvres qui venaient nous parler de leurs trois vies avec une joie de vie incroyable ! Je ne ressens pas ce déchirement intérieur, pour le moment. Nous en sommes au quatrième jour, et je n'ai rien vu de particulièrement choquant. J'essaie de me projeter dans le quotidien de ce peuple, de comprendre la douleur qu'ils vivent au quotidien et dont on nous parle tant. Mais je ne la vois pas, je ne vois rien d'autre qu'un peuple souriant, ravi de s'entraider et heureux d'aider les autres.
Mon journal de route
Pour vous plonger dans mes ressentis avec moi, je ne vois pas de meilleure manière que de partager avec vous une partie de mon journal de route, accompagnée des jolies photos de Caro et Robin, nos compagnons de route.
À ce temple, le Brihadisvara Temple, les énergies étaient folles. On était comme dans une bulle d'énergies positives. Je me sentais comme dans une fête, au bon endroit au bon moment. Ça dégage une telle sérénité ! On a croisé beaucoup de monde qui voulait faire des selfies avec nous, comme le groupe d'enfants si touchants ... Fred nous a raconté que ce qui se rapprochait le plus des Dieux et de la spiritualité ici était la méditation. Les pèlerins font ça pour se détacher et s'élever. Certains disent que c'est dans un intérêt moins égoïste que le notre (européens), mais je ne suis pas sûre d'être d'accord. Je pense qui pour que le monde aille mieux, il faut qu'on retrouve tous cette connexion à nous-mêmes, permettant de s'élever et de s'ouvrir aux autres d'une manière pure.
C'est marrant, j'ai l'impression que mon "insensibilité" du début était du au fait que je n'arrivais pas à assimiler que tout ce que je voyais était réel. Aujourd'hui, j'ai eu une boule à la gorge rien qu'en écoutant le mantra Ôm diffusé dans les hauts parleurs du temple. Ce type de boule qui te fait te demander si tu as envie de pleurer de tristesse ou de joie.
Il faut vraiment que je me décoince sur la nourriture et que je sois plus aventurière !
Aujourd'hui, sans raison particulière, je me sens envahie par un amour effroyablement grand envers (vers) le peuple indien. C'est un peuple si touchant, empli chacun à 100% d'une gentillesse sans limites. Je me rends compte des privilèges que l'on a, et qu'eux n'ont pas. Mais je me rends aussi compte des choses desquelles on s'encombre, oubliant les choses simples que ce peuple me rappelle tous les jours.
Aujourd'hui, j'ai pleuré. Pleuré si fort, comme rarement. C'est venu comme ça, sans prévenir, en pleine rue. En plein repas, une angoisse m'a prise, et en m'éclipsant et m'asseyant dehors sous le ciel étoilé indien en pleine ville, j'ai pleuré sans pouvoir m'arrêter. J'ai pleuré en pensant à ceux qui, à chaque fois qu'on entre dans un hôtel, portent nos sacs. J'ai pleuré sans savoir pourquoi hier je ne ressentais rien, et pourquoi aujourd'hui ce tas d'émotions m'explose à la figure.
Aujourd'hui a été une très bonne journée. Comme quoi, tout peut tourner d'un instant à l'autre, et l'angoisse ne dure pas éternellement. Hier, je me sentais enfermée dans une émotion très dure à supporter, et j'ai fait l'erreur de vouloir qu'elle parte au lieu de l'accepter. Mais l'angoisse fini toujours par partir. Toujours.
C'est marrant, j'ai l'impression que l'Inde a une odeur. Peu importe l'endroit où l'on se trouve, l'odeur est toujours là. Au début, je n'en pouvais plus. Aujourd'hui, j'adore cette odeur. Je voudrais pouvoir l'emmener avec moi.
J'écris ces lignes depuis Caliméro. Nous y sommes d'une manière totalement imprévue : nous avions normalement encore 10 jours en Inde. Nous avons pris la décision d'un départ anticipé de ce beau pays à cause des risques d'annulation de notre avion à cause du Covid-19. C'est dur d'être là, sans projets et loin du pays qui a marqué nos coeurs. L'expérience s'est arrêtée bien trop vite.
Ce que l’Inde m’a aidé à réaliser
L’Inde m’a aidé à réaliser que j’aime le voyage. Je ne l’aime pas autant que l’entrepreneuriat, je ne serais pas prête, aujourd’hui, à mettre ma vie entre parenthèse pour partir voyager sans but particulier. Car, pour l’instant, mon bu actuel me plaît. Il me convient. Mais je sais qu’élargir ma zone de confort, qui est restée la même pendant presque 3 ans, est un exercice toujours aussi enrichissant, et que je continuerai à le faire autant de fois que l’occasion s’en présentera.